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décembre 31, 2009

Tourtière ou pâté à la viande ? Jean O'Neil tranche pour le sizième Jour de Noël

Je suis une fan de l'auteur Jean O'Neil. Je crois bien avoir fait le tour de son oeuvre et je regrette qu'il ne soit pas plus présent. J'aime ses descriptions. J'aime la douceur de sa prose. Dans Gabzou, il a su rendre la poésie de ma région natale. Qui aurait pu parler d'un champ de maïs avec autant de justesse et de poésie ? Personne, il va sans dire.

Pour le sizième jour de Noël, je vous offre un extrait de Cap-aux-Oies, Tourtière.

Marie-Anna fait une distinction très nette entre la tourtière et le pâté à la viande, distinction que le reste du Québec fait de moins en moins.

Le pâté à la viande est une tarte de porc, haché avec de l'oignon et assaisonné de sel, de poivre et d'un soupçon de sarriette. L'abaisse est détrempée avec du lait et roulée aussi mince qu'un papier fort. C'est un manger délicat, longtemps attendu, qui n'apparaît sur la table qu'à Noël, ou peu avant, car le cochon n'est jamais tué avant le 9 décembre.

Et quand croyez-vous qu'on le présente à table ? Après la soupe, le mets principal et le dessert. Oui, une fois le repas terminé, Marie-Anna sort du four les pâtés qu'elle y a mis à cuire ou à réchauffer, les découpe en petites pointes et les sert cérémonieusement. S'il y a un moment de silence dans la maison, c'est quand Marie-Anna dépose le pâté dans les assiettes. (...)

Mais la tourtière est autre chose, un mets de paysan costaud, presque grossier même, d'une telle saveur pourtant que je n'en mangerai jamais d'aussi bonne ailleurs et que j'échouerai chaque fois que je tenterai d'imiter l'original.

Il faut d'abord qu'il neige, qu'André pose des collets et qu'il revienne un matin avec quelques beaux lièvres qu'il écorche au hangar. Tandis que Diane pèle les patates et les coupe en dés, Marie-Anna prend un coutelas et découpe les êtes en portions individuelles, même sans les désosser.

Ensuite, elle détrempe une pâte plutôt épaisse qu'elle garroche presque dans son chaudron de fer. Les morceaux de lièvre, farinés, prennent le bord du chaudron avec les patates et les lardons de même dimension. Une autre abaisse couvre le tout et le chaudron est mis au four pour être oublié jusqu'à cinq heures.

À cinq heures, si l'occasion est bonne, on invite les voisins à souper et on devient rouge de plaisir en les voyant découvrir ce rare délice. Ils fouillent dans leur portion tantôt avec leur fourchette, tantôt avec leurs doigts qu'ils se lèchent abondamment et ils n'en finissent plus de se demander comment un mets aussi grossier peut avoir une saveur aussi fine. Marie-Anna n'a jamais eu de réponse à des questions aussi idiotes.

Cap-aux-Oies de Jean O'Neil, pages 221-222.

Au menu du 31 décembre, le pâté à la viande de ma mère, qu'elle désigne sous le nom de tourtière. On ne s'en sort pas, Monsieur O'Neil.

© Tarzile.com, 2009, pour les commentaires et la photo.

Commentaires

Publié par : sylvi le décembre 30, 2009 09:10 PM

Publié par : Tarzile le décembre 31, 2009 08:45 AM

Publié par : Vincent le canneux le décembre 31, 2009 10:36 AM

Publié par : Sylvie le décembre 31, 2009 03:36 PM

Publié par : Bergamote le janvier 1, 2010 04:43 PM